contrelaxenophobie

Archive for septembre 2014|Monthly archive page

Raymond Gurême, 89 ans, rescapé des camps, victime de violences lors d’une intervention policière

In contre la xenophobie on septembre 29, 2014 at 19:58

 Ci- dessous l’article d’Isabelle Ligné qui a été recueillir le témoignage de Raymond Gurême chez lui après les faits. Nous avons déjà rencontré Raymond à plusieurs reprises. Une histoire résonne encore, celle du jour où deux gendarmes étaient venus chez lui le molester, il avait reconnu alors un ancien de ses geoliers du camp d’internement de Linas, en bas duquel il a acheté ce terrain, pour ne jamais oublier… Ces gendarmes là, sont surement mort depuis, mais voilà, que la nouvelle génération rivalise de violence.

……………………………….

DSC_03242 Il a été interné arbitrairement à l’âge de 15 ans avec ses parents et ses huit frères et soeurs. Les coups, la faim, l’enfermement étaient alors infligés par l’administration et la police françaises. 
Pour survivre à cette police et à cette administration qui collaboraient avec l’Occupant nazi, le petit acrobate s’est échappé loin des siens. A de multiples reprises il a connu les camps allemands. Il a été résistant aussi. Puis il s’est tu pendant 70 ans.
A eu de nombreux démêlés avec la justice et la police alors que l’internement, qui a brisé sa vie et celle des siens, restait tenu
soigneusement à distance de la mémoire collective. 
A partir de 2011,
avec la parution du livre « Interdit aux nomades » (Calmann-Lévy),
que j’ai eu l’honneur d’écrire sur la base de son témoignage oral détaillé
et précis sur ce parcours de vie traversant le 20ème siècle, il s’est réapproprié son histoire et a voulu la transmettre à ses descendants
mais aussi aux tsiganes, aux voyageurs et aux gadjé. 
Il a pour cela
parcouru la France inlassablement, de collège en studio de radio, de rassemblement de résistants en manifestations pour les droits des Roms
et des voyageurs. Il a aussi été à l’étranger – le livre a été traduit en italien, en Belgique et cet été à Cracovie et à Auschwitz-Birkenau pour un rassemblement de centaines de jeunes Roms venus de toute l’Europe.
Les violences qu’il a subies lors de cette opération policière en région parisienne ont donc immédiatement généré une page de soutien sur Facebook et un flot de commentaires indignés venus de France et du monde entier.
Et ce aussi bien chez des voyageurs, que chez des Roms, des sédentaires, des historiens, des rescapés du génocide tsigane en Europe, des responsables associatifs, des artistes ou encore des professeurs, des collégiens, des lycéens devant lesquels Raymond témoigne régulièrement…
Face à un tel émoi et à la violence du traitement qui a visiblement été infligé à M. Gurême, les Dépêches tsiganes sont restés prudentes, ne se contentant pas de reprendre des éléments fragmentaires sur Facebook et cherchant à recueillir en face à face le témoignage le plus exhaustif possible de Raymond et de membres de sa famille qui ont été témoins directs. C’est ce qui a été fait le vendredi 26 septembre sur le terrain familial sans que cela ne nous dispense de tenter d’obtenir, ultérieurement, le point de vue de la police et de la justice sur ces évènements et de faire état, très prochainement, d’une série de réactions.
Témoignage de Raymond Gurême: « Il était autour de 15H30. Je me reposais dans ma camping. J’ai entendu crier. Je me lève pour voir ce qui se passe. C’est alors que la porte s’ouvre. Un flic entre chez moi, la matraque en l’air. Il avait la trentaine. Je ne l’avais jamais vu sur mon terrain. Il était baraqué, les cheveux blonds coupés en brosse et avait de grandes oreilles. Je n’étais pas très réveillé, c’était comme un cauchemar. Il me repousse vers le fond de la caravane. Je lui dis « pourquoi tu viens chez moi ? » Il me répond pas. Je laisse pas tomber et le questionne encore: +t’as un mandat pour perquisitionner+. Il me dit: « on n’en a pas besoin, on n’est pas en Amérique ici ». Je lui dis: « moi non plus je suis pas en Amérique et ma caravane non plus alors sors de chez moi ». Il a crié +Ferme ta gueule+ plusieurs fois et puis c’est comme s’il avait pété les plombs, il a commencé à me taper dessus avec la matraque, une matraque en fer, télescopique. Ca faisait très mal et puis, comme j’ai que la peau sur les os, ça résonnait comme une grosse caisse.
Il y a un policier plus âgé qui lui a crié « attention, vas-y doucement c’est un vieux ! », mais le jeune flic qui s’acharnait sur moi ne l’a pas écouté et l’autre a paru avoir peur et s’est mis en retrait. J’avais très mal partout mais le pire, c’est quand il a tapé sur l’arrière de l’épaule, presque derrière le cou. Ca m’a comme paralysé. C’est à ce moment là que ça m’a fait repenser… (la voix de Raymond Gurême se brise dans un début de sanglot vite étouffé par un raclement de gorge)…
Ca m’a fait repenser au trajet de la gare de Brétigny au camp de Linas-Montlhéry (dans l’ancienne Seine-et-Oise, aujourd’hui en Essonne) que des policiers français nous ont forcés à faire à pied à coups de matraque et de crosse quand j’avais 15 ans – le 27 novembre 1940. J’ai revu le visage de mes parents et de mes frères et soeurs frappés comme moi, sans raison, par la police française. On en a pris tellement des coups ce jour-là ! On les comptait même plus.
A la fin, tu ne sens plus rien tellement la douleur est forte. 2013-08-12 16.56.59 Et ça recommence, 74 ans après, alors que j’ai presque 90 ans, j’ai été frappé sans raison par un policier français. J’ai eu peur qu’il me tue dans ma caravane, cette caravane que j’ai installée face à la colline où nous avons souffert. Ce policier a aussi cassé des objets auxquels je tenais et a tout renversé dans ma camping. J’ai essayé de sortir de la caravane, de m’évader, comme je me suis nachave (« sauvé, enfui » en romanes) du camp.
Quand je suis arrivé vers la porte, il m’a pris par le cou et la peau des reins et il m’a jeté du haut de la caravane vers le bas (la caravane de Raymond Gurême est situé en hauteur et trois marches servent à y accéder, le terrain familial étant ensuite en pente jusqu’au portail ndrl). Je partais pour m’écraser le nez par terre mais comme je suis acrobate depuis que je suis petit, j’ai donné un coup de rein et j’ai réussi à retomber sur les pieds. Le flic m’a regardé partir en vrille. Comme il a vu que je retombais sur les pieds, il est revenu il m’a retapé à l’extérieur et après, ils étaient à deux sur moi.
J’ai reçu des coups de pied en plus des coups de matraque. C’est là que certains de mes enfants (Raymond Gurême a eu 15 enfants et un total de 250 descendants) ont cherché à me défendre. Mais un tas de policiers leur sont tombés dessus et ne leur ont laissé aucune chance.
Ils étaient déchaînés. Moi je me suis mis dans la maison (qui est au centre du terrain et dans laquelle se trouve notamment la cuisine collective et la pièce où dormait la femme de Raymond avant son décès, en 2011).
Les flics ont même fouillé la pièce qui est à la mémoire de Pauline. Ils ne respectent même pas nos morts. Ils ont tapé sur tout le monde, même des femmes, qu’ils ont traitées de +salopes+ et +d’ordures+. Avant de partir comme on était sur le pas de la porte, ils ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes. Ils m’en ont mis en pleine figure, plein les yeux.
Je ne pouvais plus respirer. Mais heureusement au moins le vent était avec nous car il leur en a renvoyé aussi.
Quand j’ai pu aller vers le portail, j’ai demandé à une femme policier qui est la supérieure de tout ce monde-là si elle avait vu dans quel état m’avaient mis ses hommes. Je lui ai demandé aussi de les calmer pour qu’ils arrêtent de frapper mes enfants. Elle n’a rien fait et elle m’a dit alors qu’elle n’était pas sur place quand j’ai été tabassé +on ne vous a pas frappé, on vous a juste un peu molesté+. Mes enfants ont été embarqués et condamnés alors qu’ils n’ont fait que me défendre.
Ca pour moi c’est inacceptable. 2013-08-12 16.56.28 J’ai la couenne dure mais le premier soir j’avais tellement mal partout que je n’ai pas pu enlever mes habits pour dormir et m’allonger. Je suis resté sur une chaise toute la nuit.
J’ai encore du mal à bouger plusieurs jours après et surtout à tourner la tête. J’ai aussi les boyaux qui me font mal. Et puis c’est comme si je perdais l’équilibre par moment. J’avais jamais eu ça avant. J’ai été chez mon docteur qui m’a fait un  certificat médical. Je suis allé porter plainte à la gendarmerie d’Egly, où ils ont été très gentils mais ils m’ont demandé de laisser l’original du certificat médical en me disant qu’ils me le ramèneraient En tout cas je veux porter plainte et que ces policiers soient punis pour ce qu’ils m’ont fait. Il faut que ça cesse. Depuis que j’ai 15 ans, j’ai des képis sur le dos. J’ai presque 90 ans, je voudrais pouvoir vivre tranquillement sur mon terrain et que la police me laisse en paix ».
Témoignage de l’un des fils de Raymond Gurême qui a tenté de le défendre et présente aussi des traces de coups, notamment une blessure proche du cou et une large ecchymose à la cuisse. La vitre de sa caravane a été brisée et elle présente de nombreuses traces de coups également à la suite de l’intervention policière: « Quand les flics sont arrivés, mon père dormait dans sa camping. Ils étaient nombreux, plusieurs dizaines et nous ont dit qu’ils cherchaient un jeune de chez nous, qui a autour de 13 ans, et qui n’habite pas sur ce terrain mais beaucoup plus haut. Ca n’avait donc rien à voir avec nous et encore moins avec mon père. Mais les flics fouillaient tout le secteur. L’un d’entre eux est monté en haut du terrain de mon père, jusqu’à ma camping. Heureusement mes gamines n’étaient pas là mais à l’école. Je lui ai dit: « tu cherches quoi ». Il me dit « ça te regarde pas ». Pour ne pas lui chercher chicane à lui, je suis allé voir un autre flic qui est monté et qui était plus calme. L’autre est alors redescendu vers la camping de mon père comme un enragé. Fallait pas qu’ils repartent au commissariat sans personne, alors ils ont provoqué pour pas repartir bredouille. Ils savaient qu’en s’attaquant au père, on réagirait. J’ai essayé de le défendre mon père. L’un de mes frères est venu avec et un de mes neveux, puis après une gamine de 18 ans de chez nous mais on a eu tout de suite trois ou quatre flics chacun qui nous ont sauté dessus. On s’est pris des coups, on a été plaqués au sol et puis traînés jusqu’au camion de police.
La mère de la jeune a essayé de la défendre mais elle s’est fait embarquer aussi. Ma femme qui est enceinte, ils l’ont tapée aussi et c’est elle qui a dû protéger son ventre. Sinon… On a été placés en garde à vue pour « outrage et rébellion ». Avant de nous embarquer, les flics nous ont dit pour nous narguer « ça fait 4-0, quatre pour nous et zéro pour vous ». Ils marchent par but. Ils croient que c’est un match de foot. C’est abuser. Moi j’ai eu bonne conduite quand j’ai fait l’armée, je cherche de chicane à personne mais j’ai déjà trois condamnations pour « outrage et rébellion » et à chaque fois c’est ici sur notre terrain et la plupart du temps avec les mêmes flics. C’est pas à Brétigny ou à Paris que je suis supposé « agresser » les policiers. C’est eux qui nous maravent (frapper en romanès ndrl). Je lui ai dit à la juge parce que dès le mercredi, on nous a fait passer en comparution immédiate. J’aurais dû reculer l’audience, j’ai pas eu le temps de réfléchir mais je voulais pas aller en cabane. Moi je sais pas bien lire et écrire, mon frère pas du tout et sur nos deux papiers de comparution, il y a des trucs dont on nous a jamais parlé (une mention « ne souhaite pas d’avocat » et « ne souhaite pas consulter le dossier » ajoutée à la main ndrl). On n’avait pas d’avocat quand l’audience a commencé. C’est mon père qui a été demander un avocat commis d’office. Il a été très bien d’ailleurs. Surtout qu’il y avait un tas de flics en face pour témoigner contre nous. Moi c’est toujours les mêmes noms de flics qui sont à l’origine de mes trois condamnations. Alors elle est où la justice ? Mercredi, j’ai été condamné à plus de 100 heures de travail (d’intérêt général) et à des amendes pour les insultes que j’ai lancées aux policiers mais ils nous ont insultés aussi et mon père a été frappé ! Et dans quel état ils l’ont mis ! Comment je vais faire pour payer les amendes alors que j’ai déjà du mal à m’en sortir ? Il va falloir faire quoi ? Voler pour payer tout ça ? Franchement, c’est à ça qu’on veut nous pousser non ? Je suis très en colère, surtout pour ce qui s’est passé avec mon père. J’ai des insomnies. Je vais faire appel de ma condamnation. +Outrage et rébellion+, c’est déjà avec ça que mon père a été envoyé en cabane. »
Une des filles de Raymond: « C’est un flic de 29 ans qui a frappé mon père de 89 ans. Il faut vraiment être une crapule pour taper sur des personnes âgées. A 29 ans, c’est courageux de matraquer un homme de 89 ans ! Quand j’ai trouvé mon père dans cet état, j’ai dit au flic qui l’avait frappé « t’as pas honte ? ». Il m’a rigolé en pleine figure. Mon père a été interné, déporté, résistant. Il en a déjà assez vu, la police pourrait peut-être le laisser tranquille non ? Et mes frères, vous croyez que c’est juste qu’ils soient embarqués et condamnés. N’importe qui se serait énervé de voir traiter son père comme ça ». 
 
Un autre fils de Raymond, qui a aussi cherché à le défendre et a été placé en garde à vue et condamné pour « outrage et rébellion. » « Une fois qu’il y aura plus mon père, on va casquer encore plus avec la police. Ca va jamais finir. »
Fait chevalier des Arts et Lettres par l’ancien ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, Raymond Gurême a gardé sa gouaille et son franc-parler. 
Les signes de solidarité et de soutien après ces violences ont été à la mesure de l’émotion et de l’affection qu’il suscite dans des cercles très divers depuis plusieurs années. Cette mobilisation lui permet de surmonter l’état de choc physique et psychologique dans lesquels les violences qu’ils a subies l’ont plongé. Et d’avoir la force de suivre le chemin fastidieux mais essentiel des plaintes en justice – auprès de la police des polices et du défenseur des droits.
Certains – y compris chez les voyageurs ou dans certains cercles du pouvoir – trouvent pourtant que Raymond Gurême a « mauvaise réputation » puisque lui ou des membres de sa famille ont souvent maille à partir avec la police. 
Ce qui donne l’envie de leur fredonner du Brassens « Au village, sans prétention, J’ai mauvaise réputation… Que je me démène ou que je reste coi, Je pass’ pour un je-ne-sais-quoi. Je ne fais pourtant de tort à personne, En suivant mon ch’min de petit bonhomme ; Mais les brav’s gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux… 
Et de leur rappeler que cet argument de la « mauvaise réputation » a été employés par les Nazis pendant la Seconde guerre mondiale pour maintenir internée pendant des années la famille Gurême, qui avait des carnets forains et n’aurait jamais dû être raflée par l’administration française, l’ordre d’internement ne concernant normalement que la catégorie administrative des
« nomades ».
A l’heure où nous diffusons cet article sur le site des  Dépêches Tsiganes, nous apprenons qu’une voiture de la BAC (brigade anti-criminalité) dans laquelle se trouve le policier qui a frappé Raymond vient de passer à vitesse ralentie devant son terrain….. Isabelle Ligner
Les dépêches tsiganes

Agression d’extrême droite contre une lycéenne

In Vos infos. on septembre 6, 2014 at 16:50

Ce court texte est publié sur le site des passeurs d’hospitalités des éxilés à Calais :

C’était hier vendredi. Une jeune fille de quinze ans sort du lycée. Un homme d’une quarantaine d’année lui donne un coup de pied à l’aine, elle tombe, il lui donne un deuxième coup de pied à la poitrine. Les propos de l’agresseur sont sans ambiguïté sur ses mobiles : la jeune fille est engagée dans le soutien aux exilés. Il conclut « si je te vois dimanche, je te flingue !» – dimanche, demain, c’est la manifestation du groupe d’extrême-droite Sauvons Calais.

« Ce que nous craignions tous a fini par arriver » écrit Calais ouverture et humanité. Nous en sommes en effet là où la complaisance des autorités vis-à-vis de Sauvons Calais nous a mené. La première manifestation du groupe est accueillie par deux adjoints au maire sur le perron de l’hôtel de ville. Lorsque des membres du groupe caillassent un squat pendant une semaine, proférant menaces de viol et de mort contre ses habitants et tentant d’y entrer de force pendant la nuit, la police laisse faire et le sous-préfet déclare qu’il n’y a pas de trouble à l’ordre public (voir iciici et ). Aucune réaction aux agressions de cet été. Sauvons Calais est encore maintenant reçu en sous-préfecture et en mairie, et manifeste demain avec le soutien de groupes d’extrême-droite de toute la France.

Cette agression d’une lycéenne ne sera qu’une première si la complaisance des autorités se poursuit. D’autres passages à tabac au sortir des établissements scolaires auront lieu.

À nous de nous mobiliser, puisque nous voulons que ça cesse.

Plus d’information sur la page de Calais Ouverture et Humanité :https://www.facebook.com/pages/Calais-Ouverture-et-Humanité/

 

Le Grand Lyon : Chasse les Hommes à Vaise/ expulsion à Lyon…

In Uncategorized on septembre 5, 2014 at 16:35

Ci-dessous un témoignage du Collectif Pied de biche et barricades relatant la Chasse à l’homme perpétrée par la police nationale puis municipale à vaise contre des familles « rroms »expulsées sans le recours d’un huissier ni même d’un procès, puis harcelées afin que personne ne puissent poser ses bagages – son corps- nulle part… cela nous rappelle la chasse de montreuil par la police nationale, les voitures de police suivant les familles pas à pas, ne leur laissant aucun répis.

Puis pour compléter le tableau du « Grand Lyon » nous reproduisons un article de Lucie Branchard publié sur le site lyon capitale qui décrit la politique locale d’expulsion sans passer par des tribunaux… une nouvelle mode ? l’utilisation d’arrêtés préfectoraux ou municipaux pour contourner la loi, et chasser les habitants des terrains sans états d’âme biensûr. De souligner l’irrégularité du procédé n’enlève en rien le fait que si ces procédés devenaient légaux ils n’en demeureraient pas moins illégitimes de chasser des personnes sans abris, que la collectivité ne met pas à l’abris et en plus organise à grand frais leur expulsion… ce que nous dénoncions déjà lors du passage de la lopsi II*( voir en bas de page ) en 2010-2011.

Lyon: Expulsion et harcèlement à Vaise, l’humiliation ordinaire

Ce mercredi 27 août, la préfecture ordonne l’expulsion du camp Gare de Vaise occupé depuis 5 mois

par plusieurs familles. Elles sont 9 ce jour à être « dégagées » ; soit une trentaine de personnes

dont des personnes malades, des enfants, des nourrissons. Rien de bien nouveau.

Les familles n’avaient pas été prévenues de l’expulsion et étaient en dialogue avec la mairie du 9ème.

Le propriétaire n’avait pas demandé l’expulsion des familles.

Mais les flics n’ étant pas sous les ordres du maire, celui-ci n’a pas été averti.

Mercredi 27 août

Les sbires de l’états n’ont laissé que cinq minutes aux familles pour récupérer leurs affaires

avant de saisir et détruire ce que cinq mois de  vies ont permis de construire ; maisons, toilettes, quelques

perspectives et espoirs, et pour les plus jeunes, sûrement un monde. Une voiture a été saisie et

immédiatement envoyée à la casse, les engins de chantier ont réduit cinq mois de vie

en un amas de planches brisées au milieu desquelles ont voit objets, jouets, vaisselle…

Sous les yeux des familles. Les familles se sont donc « réfugiées » dans un parc proche du Pathé de Vaise.

Les kisdé, les ont suivies et dégagées une nouvelle fois.

19h/ Les familles se sont réfugiées dans un ancien parking désaffecté, un toit mais pas de murs pour dormir.

Les bleus sont déjà là . Deux voitures de la BAC et deux camions de la nationale.

Ils regardent les familles assises sur leurs valises et ballots de vêtements.

Les rares échanges se font de leur côté, gazeuze et flashball à la main,

alors qu’on leur demande simplement si on va pouvoir dormir ici ou non.

Humiliation ordinaire, même tristement banale dans un pays raciste comme la France.

22h/ Les keufs partent sans rien dire.

Jeudi 28

7h20 Le terrain est cerné par les CRS. Nous sortons à deux. Direct, on nous demande nos papiers.

Nous faisons demi-tour. « Ah ! Ils sont là les Rroms, et y’a l’odeur avec ». Ils nous suivent.

« Sors tes mains des poches enculé ! » et coup de matraque dans les mains.

« On va faire comme avec les algériens ! »(rires).

Un jeune prend un coup de matraque dans les côtes gratuitement.

Un peu plus tard, ils essayent de se faire passer

pour autre chose que le bras droit armés de l’état, en conseillant aux familles d’aller trouver abri au centre

d’hébergement d’urgence occupé de Frédéric Faÿs expulsable lundi 1er septembre et déjà plein.

Les flics, nous dégagent sous la menace des coups.

9h/ Nous nous retrouvons à nouveau dans le parc à côté du Pathé, trèsrapidement une patrouille

de la municipale arrive « alertée » par des riverains. Les familles ne pourront pas rester sur place ;

pourtant l’écriteau «parc public interdit aux Rroms » n’a pas encore été installé !?

La discussion tourne rapidement au pitoyable, quand le petit chef de la brigade explique que

les Rroms ne sont pas victimes de racisme, que lui oui l’a été dans les années 80,

90 en tant que jeune originaire du Maghreb, qu’ eux ne le sont pas, que c’est normal et que

« le jour où ils arriveront à garder un terrain propre, là, ils seront peut-être acceptés ».

Alors qu’obtenir des bacs de poubelles pour un terrain occupé est une bataille.

Cet ignorant n’a pas dû connaître les bidonvilles de France des années coloniales et des

décennies suivantes où ce n’était pas les Rroms qui étaient, harcelés, humiliés, battus et expulsés.

Certains diront : « normal c’est un flic ». Il n’est en réalité qu’un raciste de plus parmi toutes

les communautés de France où le racisme anti-Rrom se répand et devient consensuel.

Le racisme d’État et ses relais médiatiques fonctionnent bien sur les rouages huilés d’une histoire

où la division des opprimés est un enjeu national. Où l’alimentation des guerres internes

aux communautés et entre communautés est nécessaire au maintien de l’ordre.

Les plus précaires sont les nouveaux bouc-émissaires pour que la solidarité ne se développe pas et pour que des

opprimés puissent avoir une cible facile pour déverser la rancœur accumulée de vies d’aliénation et d’humiliation.

La nuit, alors que les familles s’organisent pour rentrer s’abriter dans une maison abandonnée,

les porcs reviennent et les suivent dans leurs déplacements. Elles sont donc obligées de rester dehors

toute la nuit. Elles quittent Vaise tôt le matin pour l’autre bout de la ville. La traque et le harcèlement sont

les méthodes utilisées habituellement pour ne laisser aucun répit aux familles expulsées.

Certains ont dit trouver ça irréel, la réalité est là, bien en-dessous des voiles des existences artificielles,

en dessous du confort même précaire, la réalité est celle-là froide comme ces nuits sans toit,

dure comme leurs matraques et puante comme leur « belle érection » lorsqu’on

leur demande ce que ça leur fait d’avoir gazé un nourrisson.

Cette réalité n’est pas celle des lardus mais celle de l’ordre des choses qu’ils défendent.

 

Collectif Pied de Biche et Barricades.

Contact : piedebichetbarricade (arobase) riseup.net

Publié le 5 septembre 2014 sur Rebellyon
http://rebellyon.info/Expulsion-et-harcelement-a-Vaise-l.html


* * ***** ****** ****** ****************** *** ************* ******** ************** ************

Bron : les Roms devant la mairie, la police intervient

Publié le 08/08/2014  à 10:50 actualisé le 12 août à 11h30)

Pour cause d’insécurité, le préfet délégué à la défense et à la sécurité, a décidé d’expulser le camp de Roms situé derrière l’hôpital femme-mère-enfant (HFME), près du périphérique, à Bron. 120 personnes se retrouvent ainsi à la rue, elles sont regroupées devant l’hôtel-de-ville depuis ce matin, « la police nationale va intervenir » nous dit-on à la mairie. Le camp lui est bouclé. Il sera détruit dans la journée. (article actualisé le 12 août à 11h30)
Démantèlement d'un camp de Roms à Vaise (Lyon), été 2013 © Tim Douet

Le désarroi des associations de défense des Roms étaient palpable ce matin. Elles s’émeuvent de l’expulsion, « en plein été et dans l’indifférence générale« , du troisième plus important bidonville de l’agglomération, celui de l’Hôpital Est, situé en bordure du périphérique Laurent Bonnevay, derrière l’Hôtel Ibis et l’hôpital Femme mère enfant (HFME) à Bron. En effet, sans attendre la décision du juge de Grande instance mise en délibérée au 5 septembre concernant ce camp, le préfet délégué à la défense et à la sécurité, Stéphane Rouvet, a pris un arrêté, il y trois jours, informant ses occupants qu’ils avaient 48 heures pour quitter les lieux.

« La proximité de l’hôpital et de ses installations électriques, ainsi que celle du périphérique » l’auraient décidé à agir. Mais pour le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), cet arrêté est « infondé » dans la mesure où « les raisons invoquées aujourd’hui sont les même qu’hier car si le camps est dangereux aujourd’hui, il l’était aussi il y a deux mois. Pourquoi dès lors expulser seulement aujourd’hui ?« . Son représentant estime que le préfet « contourne le tribunal« , il cite « un courrier envoyé le 4 juin »dans lequel « la préfecture a incité le propriétaire, Total, à agir en justice pour faire expulser le terrain, le menaçant d’une certaine responsabilité en cas d’accident. Pour autant, le préfet n’a pas attendu le résultat du jugement mis en délibéré au 5 septembre pour agir. C’est incompréhensible ! « , réagit l’association.

Devant la mairie « avec leurs chariots de supermarchés et toutes leurs affaires »

Et ce matin, selon plusieurs sources concordantes, « la police nationale était sur place« . « Le camp a été complément bouclé », et « la bretelle d’accès au périphérique a été coupée à la circulation ». Le camp sera vraisemblablement détruit dans la journée. Les 120 personnes occupantes se sont regroupées devant la mairie, « avec leurs chariots de supermarché et toutes leurs affaires. La police nationale va intervenir« , nous dit-on à la mairie.

Selon nos informations, la majorité des 120 habitants du bidonville ont quitté le camp hier pour ne pas avoir à faire aux forces de l’ordre. Elles ont dormi dehors et se préparent à passer la prochaine nuit de la même façon, à la recherche d’un nouveau terrain ou d’un nouveau squat dans l’agglomération, alors que Météo France annonce de violents orages demain sur la région. Reste trois autres camps de Roms dans le Grand Lyon, celui de rue Faysse à Villeurbanne, dans l’ancien Village mobile ouvert au moment du plan froid, le second à Vaulx-en-Velin et le dernier à la Feyssine. Les deux premiers sont concernés par des décisions de justice et devraient être maintenus au moins jusqu’en septembre.

Par Lucie Blanchard
 Source: sur Lyon capitale

 

La LOPSI II

L’article 90,  de la LOPSI II introduit par un amendement du gouvernement adopté par la commission des lois du sénat, puis voté par le sénat le 10 septembre 2010, créait une procédure d’exception, à l’initiative du préfet et en l’absence du juge pour expulser les habitants installés de manière « illicite ». si la procédure contradictoire était prévue dans les textes, elle était néanmoins compromise, et le texte voté par le parlement prévoyait également la destruction des biens, ainsi qu’une amende de 3 750 euros pour le propriétaire du terrain, public ou privé, qui s’opposerait à ces procédures. ces dispositions ont été invalidées par le conseil constitutionnel, car ne respectant pas les équilibres nécessaires entre deux principes constitutionnels, celui de la nécessité de sauvegarder l’ordre public et les autres droits et libertés, notamment des personnes défavorisées et ne disposant pas d’un logement décent.

Le jour de la sirène, l’émission de radio fait sa rentrée le 3 septembre sur FPP 106.3

In Uncategorized on septembre 1, 2014 at 15:54

Le jour de la sirène, c’est une émission radiophonique mensuelle qui émet en directe tous les premiers mercredis du mois de 17h à 18h sur Fréquences Paris Plurielles ( 106.3) co-produite par  la voix des rroms et de Radio.graphie et en réécoute sur leur site respectifs.

Une heure pour parler des infos locales et internationales aux sujets des expulsions de platz ainsi que des mobilisations dans toute l’europe contre le racisme envers les rroms plus particulièrement.

La prochaine émission reviendra sur ce qui se passe au terrain des coquetiers à Bobigny avec un reportage ainsi qu’une chronique judiciaire au sujet de l’arrêté municipal prit par la mairie de De Paoli nouveau maire UDI de Bobigny.

Ainsi qu’un retours sur la rencontre européenne des jeunes rroms et non-rroms organisée par le réseau Ternype à Cracovie, deuxième édition cette année autours du 02 août date commémorative du génocide des rroms pendant la seconde guerre mondiale.

Alors bonne écoute et rendez-vous mercredi 3 septembre en directe sur FPP.

Pour en savoir plus :

https://fr-fr.facebook.com/pages/Le-Jour-De-La-Sirène-1063-FM/200866180100451

Radio.graphie

La voix des rroms

 

 

Toutes nos condoléances aux proches d’Olivier Berthelin fondateur des dépêches tsiganes

In Communiqués on septembre 1, 2014 at 15:37

Olivier Berthelin, est décédé au mois d’août après une longue lutte contre la maladie. C’était le fondateur des dépêches tsiganes, un site d’information de qualité au quel nous sommes nombreux a nous référer et qui a pour objectifs :

D’« informer les élus, les professionnels de l’action publique et de l’action sociale, les journalistes et tout citoyen désireux de s’informer sur l’ensemble des sujets qui concernent les tsiganes. Informer les tsiganes et ceux qui, souvent dans une grande confusion, sont désignés comme tels (Rroms, gens du voyage, habitants par choix ou par nécessité de résidences mobiles ou éphémères, itinérants ou ancrés dans un territoire, forains, circassiens, travailleurs saisonniers…), sur des sujets d’intérêt général comme l’habitat et l’urbanisme, l’enseignement, les questions de citoyenneté, la culture, l’économie, la santé… »

Nous publions la lettre de la journaliste Isabelle Ligner de D’Evelyne Pommerat :

En mémoire d’Olivier Berthelin, fondateur et rédacteur en chef de Dépêches tsiganes, le 8 août 2014

L’équipe de Dépêches tsiganes a appris avec une grande tristesse le décès le jeudi 7 août du fondateur des DT, Olivier Berthelin, au terme d’une vaillante bataille contre la maladie.
Fort de liens personnels et professionnels tissés dans le monde du voyage, Olivier avait crée les Dépêches tsiganes afin de donner la parole aux voyageurs et aux tsiganes dont le point de vue est souvent absent des autres médias, ou déformé, ou instrumentalisé.
Il était l’âme des Dépêches tsiganes, déployant une activité impressionnante, fourmillant d’idées et de projets pour ce site indépendant et gratuit qu’il concevait comme un trait d’union entre Voyageurs, Roms, pouvoirs publics, associations et journalistes.
Malgré des années de métier, Olivier était resté un journaliste ayant une grande capacité à s’émerveiller et à s’indigner. Il était viscéralement attaché à une information fiable et dépourvue de stéréotype.
Enthousiaste, plein d’humour, de fantaisie et d’énergie, il était un collègue chaleureux avec lequel le travail était un véritable plaisir. Nous garderons notamment le souvenir de grands débats et discussions téléphoniques avec lui sur les sujets qui le passionnaient.
Lorsque les épreuves de santé se sont accumulées, Olivier a manifesté un très grand attachement à Dépêches tsiganes et à l’avenir de ce projet cher à son coeur. Notre petite équipe s’est mobilisée autour de lui pour assurer la pérennité d’une initiative dans laquelle Olivier a investi tant d’énergie ces dernières années. Nous venions de franchir un pas décisif vers une plus grande visibilité des Dépêches en France et à l’étranger avec un voyage à Cracovie pour un rassemblement européen d’organisations Roms.
Nous espérons pouvoir, conformément à la volonté exprimée avec force ces derniers mois par Olivier, pouvoir continuer à développer les Dépêches tsiganes dans le respect de la mémoire de son fondateur.
Nous souhaitons ici présenter nos plus sincère condoléances à la femme, aux enfants, aux proches d’Olivier, en leur assurant qu’il restera à jamais dans nos coeurs et nos pensées et que nous ferons de notre mieux pour continuer dans la voie qu’il a tracée.

Isabelle Ligner

Evelyne Pommerat

 

 

Les yeux de Rita, par Isabelle Ligner

In Uncategorized on septembre 1, 2014 at 15:28

Sombres et lumineux à la fois. Profondément humains. Passant de l’expression de la plus farouche volonté à celle de la plus grande fragilité. Les yeux de Rita sont le reflet d’une femme exceptionnelle, qui a survécu à l’un des chapitres les plus noirs du nazisme: la stérilisation forcée des tsiganes et l’expérimentation médicale sur des « cobayes humains », dont beaucoup d’enfants tsiganes.

Rita Prigmore et Raymond Gurême, deux survivants du génocide des tsiganes qui se sont rencontrés à l'occasion du rassemblement de Cracovie. photo Isabelle Ligner

 

Du 30 juillet au 3 août, Rita Prigmore est venue témoigner auprès de centaines de jeunes Roms et non-Roms réunis à Cracovie (sud de la Pologne) par le réseau Rom TernYpe à l’occasion des 70 ans de la liquidation du « camp des familles » tsiganes d’Auschwitz-Birkenau. « J’ai pardonné mais je ne veux pas oublier », explique-t-elle. « Je souhaite aujourd’hui transmettre mon histoire aux jeunes pour qu’ils comprennent ce qui s’est passé sous le nazisme et soient ainsi plus à même de lutter contre la xénophobie actuelle à l’égard des Roms et des étrangers en Europe ».
Les parents de Rita étaient des artistes de familles Sinti. A 16 ans, sa mère, Theresia Seible Winterstein, née en 1921 à Mannheim (Allemagne), devint danseuse et chanteuse dans un orchestre romani. En se produisant au théâtre public de Würzburg (120 km au sud-est de Francfort), où elle mit notamment sa beauté et son talent au service du rôle de Carmen, elle rencontra en 1940 un violoniste qui fit battre son coeur: Gabriel Reinhardt, né en 1913 et qui avait déjà deux enfants d’un premier mariage.
Mais en 1941, Theresia et Gabriel se voient retirer la permission de jouer au théâtre. Parce qu’ils sont tsiganes et considérés comme faisant partie d’une « race inférieure » par les Nazis.
Peu après Theresia et plusieurs membres de sa famille, que les Nazis ont désignés comme faisant partie des « sang-mêlés », sont convoqués au siège de la Gestapo. Un terrible « choix » leur est imposé: accepter d’être stérilisés ou être déportés. Theresia signe mais cherche à tomber enceinte avant l’abominable convocation. A l’été 1942, les Nazis découvrent qu’elle attend des jumelles. La jeune femme est autorisée à poursuivre sa grossesse à condition de livrer immédiatement les nouveaux-nés aux autorités nazies. Elle est constamment surveillée et des médecins nazis ainsi que des militaires et des membres de la police criminelle, la sinistre Kapo, assistent à la naissance le 3 mars 1943. Une naissance qui comble la folle fascination des nazis pour les jumeaux.
Dès qu’elles voient le jour, Rita et Rolanda sont arrachées à leur mère qui n’est pas même autorisée à les voir ou à les prendre dans ses bras. Les bébés sont pris en charge à la clinique de l’Université de Würzburg, dans le service du Dr Werner Heyde, professeur de neurologie et psychiatrie, disciple de Josej Mengele, adepte des expérimentations barbares sur des humains dans le cadre de l’eugénisme et du programme d’euthanasie nazis.
En 1943, plusieurs membres de la famille de Theresia sont déportés à Auschwitz-Birkenau (Pologne), notamment son petit frère Otto Winterstein et son oncle Fritz Spindler, qui survivront. Onze membres de la famille Winterstein disparaîtront en revanche dans ce camp symbole d’une extermination nazie menée de manière industrielle.
Un mois et demi après la naissance, Theresia et Gabriel reçoivent un ordre de déportation. Theresia se précipite à la clinique, où elle rentre de force pour voir ses filles. Elle découvre le cadavre de Rolanda abandonné dans une pièce, avec des plaies à la tête. Terrorisée, elle saisit sa seconde fille, qui porte également un bandage à la tête, et s’enfuit avec l’aide de ses parents Papo et Joséphine. La jeune mère comprend alors que ses filles ont subi d’immondes expérimentations médicales, notamment au cerveau. Elle apprendra plus tard que, dans leur folie raciste, les Nazis ont notamment cherché  à changer la couleur des yeux des fillettes, pour les rendre bleus, en pratiquant des incisions et des injections dans le crâne et autour de la cornée. Rolanda a succombé à ces tortures.
Une semaine après avoir découvert sa fille morte, Theresia est stérilisée de force. « Chez moi, dans une petite boîte, j’ai le récit détaillé de sa stérilisation écrit à la main par ma mère d’une petite écriture serrée. Ce qui lui a été fait à elle, le vide qu’elle a ressenti, mais aussi les cris des femmes stérilisées sans anesthésie avant et après elle », raconte Rita, les yeux plongés dans l’abîme de cet anéantissement.
Reprise à sa mère, Rita survivra aux expérimentations nazies jusqu’en avril 1944, date à laquelle elle est remise à Theresia. Le couple que cette dernière forme avec Gabriel ne survivra pas à la lourdeur de leur histoire. En 1946, le musicien rejoindra sa première femme et Rita ne le reverra qu’en 1959.
En 1962, Theresia se marie avec un soldat américain. De son côté, Rita souffre de nombreux problèmes de santé, maux de tête, pertes de conscience qui l’obligent notamment à abandonner ses études.
Rita se marie à 21 ans, également avec un soldat américain, dont elle aura deux enfants, George et Sherry. La famille part vivre aux Etats-Unis dans les années 1970. En 1973, Rita perd conscience alors qu’elle était au volant de sa voiture. Elle est hospitalisée. « Ce n’est qu’à ce moment là, 40 ans après ma naissance, que ma mère m’a révélé, par téléphone, toute mon histoire. J’ai enfin compris d’où venaient mes problèmes de santé ».
Le couple de Rita se déchire et elle décide en 1981 de rentrer en Allemagne, où sa mère a entamé un combat pour la défense des droits des femmes Sinti. L’indemnisation demandée par Rita ne sera accordée qu’en 1988 après des années de lutte et d’innombrables examens médicaux.
Les témoignages de Theresia et de Rita ont été recueillis au mémorial de l’Holocauste de Washington et en 2008, l’année de la mort de Theresia, un livre est paru en Allemagne sur leur histoire – « Dieselben Augen, dieselbe Seele » (Les mêmes yeux, la même âme) de Roland Flade. Rita cherche aujourd’hui à publier son histoire dans d’autres langues, notamment en anglais afin que ses petits-fils, vivant aux Etats-Unis, puissent la lire. Etrangement les éditeurs et les traducteurs ne se bousculent pas.
Depuis 2012, cette survivante soutenue par la communauté catholique internationale Sant’Egidio, spécialisée dans le travail social et les initiatives de paix, témoigne sans relâche auprès des jeunes européens Roms et non-Roms.
Lors du rassemblement de Cracovie, elle a raconté son histoire à plusieurs reprises devant des jeunes, terminant ses interventions en montrant des radios de sa tête et des photos de ses parents, notamment de sa mère, dont elle a hérité la beauté et la volonté, quoi qu’elle en dise.
Elle a rencontré avec émotion d’autres survivants de la persécution des tsiganes pendant la Seconde guerre mondiale, Raymond Gurême, âgé de 89 ans, interné adolescent dans plusieurs camps en France et en Allemagne et Jozsef Forgacs, Rom de Hongrie âgé de 80 ans, interné puis déporté à plusieurs reprises. « Pour moi les yeux sont la fenêtre de l’âme », a-t-elle expliqué. « Et je vois dans leurs yeux que ce sont des êtres remarquables, tout comme j’ai rencontré ici des jeunes qui me donnent de l’espoir dans un monde qui parait souvent désespérant ».
Rita, Jozsef et Raymond ont parcouru côte à côte, en se soutenant mutuellement, le vaste camp de Birkenau jusqu’au mémorial tsigane le 2 août dernier, 70 ans après l’élimination de quelque 3.000 tsiganes par les nazis.

Ce jour-là les yeux de Rita étaient humides et quelque chose au plus profond d’elle-même semblait vaciller. Elle était perdue dans ses pensées à des années lumières de la pesante cérémonie officielle qu’elle subit avec élégance. Et ce alors qu’aucun des cravatés présents n’eut même la présence d’esprit de lui laisser une chaise et une place à l’ombre bien que le soleil soit écrasant.
Souvent, même lorsqu’elle rit ou plaisante ou s’indigne, les yeux de Rita semblent ailleurs, dans un espace indéfini où elle peut enfin rejoindre une mère révérée et Rolanda, sa jumelle assassinée.

Isabelle Ligner/ Les dépêches tsiganes